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Enquête exclusive

Littoral ivoirien : Incursion dans la galère des populations impuissantes face à l'avancée de la mer (Reportage)

Publié le :

30 August

par Elvis GOUZA

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Les populations ivoiriennes vivant en bordure de mer subissent ces dernières années les effets de l’érosion côtière qui est une perte de terrain au profit de la mer. Ce phénomène est l'une des conséquences du réchauffement climatique. De Port-Bouët (Abidjan) à Godiéko (Sassandra), tout le monde est unanime, la mer est le nouveau bourreau des populations au regard de ses dégâts socio-économiques et culturels.

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Port-Bouët est l’une des communes balnéaires d’Abidjan, principale ville de Côte d’Ivoire. Dans un passé récent, les habitants du sous-quartier "Port-Bouët Phare" pouvaient se vanter de vivre au bord de la mer. Aujourd'hui, avec les changements climatiques caractérisés par l'érosion côtière, ils ne peuvent plus se bomber le torse.

Des édifices publics et privés détruits

Depuis le 28 août 2024 (date d’incursion dans ce quartier), c'est une scène de désolation et de tristesse qui se lit sur leur visage. En effet, des édifices publics et privés, jadis importants, sont à terre à cause de l’érosion côtière. M. Aka, riverain, affirme que l’avancée de la mer est à l’origine de la destruction d’un l’ancien local administratif de la mairie de la commune, un véritable désastre social.

La clôture du mur du phare de Port-Bouët est tombé. Ils ont réparé une fois, et c’est tombé encore, vous-même, vous pouvez le constater

« Le bâtiment qui est là (montrant du doigt sur sa gauche), c’est l’ancienne délégation de Port-Bouët. C’est là qu’on faisait les extraits de naissance. Regardez de l’autre côté, là où les gens sont en train de déposer le bois-là, le bitume passait là. Le bus 17 passait là jusqu’à la Caritas. De part et d’autre du bitume, il y avait des habitations. La clôture du mur du phare de Port-Bouët est tombé. Ils ont réparé une fois, et c’est tombé encore, vous-même, vous pouvez le constater. Aujourd’hui, plus rien n’existe ». Le bus 17 passe désormais près du lycée moderne de Port-Bouët, en face du 43è BIMA.

C'est ici qu'on faisait les extraits de naissance

En longeant le bord du littoral, l’on voit des débris de la clôture du phare qui donne le nom au quartier. Des morceaux de bois par-ci, des morceaux de briques par là. Il arrive parfois de voir des immondices sur la plage. Quelques cocotiers s'écroulent tout au long de la plage.

Des maisons cassées et emportées par la mer

Dame Pereton Soro, une septuagénaire, est sous le choc. Elle déclare avoir perdu tous ses biens dans la nuit du 27 au 28 août 2024. « La nuit, l’eau nous a surpris. Des maisons sont parties. Où je dors a aussi été emportée. Mes trois (3) appartements de deux (2) pièces chacune et quatre (4) "entrer coucher". Tout est parti. Mon mari est mort. Et c’est ce qui me donne à manger là, la mer a pris pour partir » se désole-t-elle. Pereton Soro.

Les maisons qui sont là-bas, il n’y a plus personne dedans parce qu’on se dit qu’il y a déjà trou en bas, on ne sait donc pas quand ça va tomber

Un peu plus loin, l’on aperçoit plusieurs maisons inhabitées, décoiffées. Selon la riveraine Yvonne Atigla, les habitants possédant des moyens financiers suffisants quittent le quartier pour sauver leur vie. « La mer a enlevé des maisons. Les autres maisons qui sont là-bas, il n’y a plus personne dedans parce qu’on se dit qu’il y a déjà trou en bas, on ne sait donc pas quand ça va tomber » ajoute-t-elle.

Une vue des dégâts de la mer chez Dame Atigla

Yvonne Atigla revient sur la frayeur de la nuit du 27 au 28 août 2024. Cette nuit-là, révèle-t-elle, la mer a failli inonder sa maison. Par mesure de précaution, elle vide sa maison en envoyant ses affaires chez les voisins « J’ai fait trente-sept (37) ans ici. Avant, quand la mer se "fâchait", elle venait souvent vers nos maisons, mais pour cette fois-ci, nous-mêmes, on est dépassé.

La mer a cassé une partie de notre maison. Je vis ici avec mon mari et nos quatre (4) enfants. J’ai partagé mes bagages chez les voisines où la mer n’est pas encore arrivée. Il n’y a pas eu de décès, Dieu merci. Mais la mer a déjà pris des bagages des habitants pour partir. C’est par mesure de précaution que moi, j'ai décidé de partager mes bagages chez mes voisines » affirme Dame Atigla, la gorge nouée.

Après Phare Port-Bouët, cap est mis sur Batrepeu 1 et Godiéko, deux (2) villages de la commune de Sassandra, ville balnéaire située à environ 300 kilomètres d’Abidjan. La ville présente un relief accidenté. Le périple commence à Batrepeu 1 premier village Néyo sur le littoral sur l’axe Sassandra - Poli Plage.

L'empiètement de la mer sur l'activité économique

La plage de ce petit village est déserte. Assis en compagnie d’un enfant et d’un homme, le jeune Ange Samuel Wueya, est pensif, le regard hagard. Son visage en dit long sur les motifs de sa colère. Selon lui, l’avancée de la mer ne permet pas le bon fonctionnement de son activité économique, car la nage est interdite durant les mois de juillet, août et septembre.

Les derniers temps, la mer "se fâche" trop donc les gens ne viennent pas à la plage. Parce que les vagues sont très élevées

« La mer nous cause des problèmes par rapport à nos activités. Comme c’est un phénomène naturel, que pouvons-nous faire ? Ces derniers temps, la mer "se fâche" trop donc les gens ne viennent pas à la plage. Parce que les vagues sont très élevées. C’est vrai que ça ne nous plait pas quand il n’y a personne sur la plage, parce qu’on ne pourra pas se faire de l’argent, mais c’est mieux ainsi. Il ne faudrait pas des gens vont venir mourir ici encore » tente-t-il de se consoler.

L'activité d'Ange Samuel Wueya est au ralenti à cause de l'augmentation du niveau de la mer

A moins de cent (100) mètres de son bungalow, se trouve le cimetière de Batrepeu 1. Les cocotiers dressés pour prévenir l’avancée de la mer sont à terre.

Quelques heures après, l’on met le cap sur Godiéko, un autre village du littoral, à la rencontre de l’ex-journaliste Koukougnon Célestin Kouassi, aujourd’hui planteur dans ledit village. Il a rappelé que les habitants de Godiéko souffrent depuis des années. « Le 30 mai 2014, on a eu ici un mini-tsunami qui a ravagé nos côtes. Les vagues étaient tellement élevées qu’elles ont bousillé toutes les maisons qui étaient à côté, le cimetière, tout a été bousillé. La mer est rentrée dans nos maisons. Ma cuisine a été reconstruite.

Les vagues rentrent régulièrement dans les cours. C’est notre quotidien aujourd’hui ici à Godiéko

Ce jour-là, la première vague avait une hauteur de plus de deux mètres. Quand on a entendu le bruit de la deuxième vague, on a tous fui. Il y a un autre élément comme ça en 2016, là, cela a bousillé le cimetière et des corps flottaient sur l’eau. Ce n’était pas agréable à voir » se souvient-il. Depuis lors, la situation empire. « Cher journaliste, deux jours-avant votre arrivée ici, les vagues ont débordé jusque dans nos maisons. Les vagues rentrent régulièrement dans les cours. C’est notre quotidien aujourd’hui ici à Godiéko » ajoute Koukougnon Célestin Kouassi.

Les enfants de Godiéko vont à l’école dans un autre village. En effet, le village étant constamment visité par les vagues de la mer, les décideurs ont construit une école primaire loin de là. « Nos enfants souffrent, il marche des kilomètres chaque jour pour aller à l’école. Les gens disent que si on construit une école ici, que l’école est détruite par la mer, que deviendront nos enfants. Par précaution, ils ont préféré construire l’école ailleurs comme si nos enfants sont condamnés à marcher » dénonce une habitante de Godiéko.

Aujourd’hui, les habitants de ce village font mains et pieds pour migrer sur les collines comme les autres villages, notamment Gnézéko, Lèbreko et Latéko, commune de Sassandra. Pour l'heure, c'est la seule alternative qui se présente à elles pour échapper à cette conséquence du réchauffement climatique.


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Article rédigé par

Elvis GOUZA

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