Certes la plupart des experts en intelligence artificielle demeurent encore largement concentrés sur les continents américain et asiatique (dans une moindre mesure en Europe), il n'en demeure toutefois pas moins que l'Afrique, de par sa jeunesse digitale native et sa croissance démographique très forte, se présente comme un terrain presque vierge potentiellement très prometteur pour un développement de l'intelligence artificielle, qui pourrait s'y avérer fulgurant.

On est en présence d'un certain nombre de paramètres concordants favorables à une véritable effervescence créative ; une caractéristique qui existe d'ailleurs depuis déjà quelques années dans plusieurs pays africains et qui est susceptible de se généraliser sur l'ensemble du continent.

L'absence de règlement 

C'est ainsi que dès 2014 est créée l'alliance Smart Africa par les chefs d'État de 32 pays d'Afrique. Cette alliance a notamment pour objectif de déterminer quelles orientations sont à privilégier dans le domaine de l'intelligence artificielle afin de conduire à un développement socio-économique durable sur le continent.

Mieux, à Lagos, le centre Data Science Nigeria s'est donné pour objectif d'ici 2027 de former un million de Nigérians et Nigérianes en science des données. Dans le même sens, le Sénégal a mis en place un «Institut des algorithmes», rassemblant les aficionados et autres passionnés du numérique. Le metaverse «Africarare» a de son côté pour objectif de promouvoir la culture africaine au sein de l'économie numérique mondiale.

continent africain constitue un terreau favorable au développement de l'IA malgré  certain nombre d'obstacles comme l'absence de réglementation.

Ce nouveau monde virtuel marque clairement sa volonté de proposer une tribune aux artistes émergents et le pari semble gagné au regard de la communauté internationale qui lui marque un intérêt croissant, si bien que début juin va être organisé en ligne l'Africa Metaverse Summit. Pourrait-on dès lors envisager que l'IA soit une solution d'espoir pour que l'Afrique puisse enfin trouver une vraie place au sein de la géopolitique internationale et de l'économie mondiale faisant d'elle la gagnante de la nouvelle révolution industrielle ?

En fait, si le continent africain constitue un terreau favorable au développement de l'IA il existe cependant un certain nombre d'obstacles comme l'absence de réglementation. Certes cette absence de dispositif législatif et réglementaire comporte un aspect positif, il n'existe pas de freins qui pourraient s'avérer susceptibles de gêner l'essor fulgurant de la révolution numérique. Mais d'un autre côté il est indéniable qu'il existe un risque considérable de violation de la vie privée en raison d'une agrégation massive des données.

Et puis, un autre risque est bien présent, au moins potentiellement, celui du contrôle à terme du processus par de puissantes organisations telles que les Gafam et les BATX. Ces dernières ont d'ailleurs parfaitement compris l'importance de s'implanter en Afrique. Google a ainsi inauguré son premier centre de recherche africain en IA à Accra au Ghana. Il a pour objectif de résoudre des problématiques tant économiques que politiques ou même environnementales. Dans le même sens, l'Institut africain des sciences mathématiques en Afrique du Sud propose une maîtrise en intelligence artificielle parrainée par Facebook et Google.

Dans le cas où le continent africain parviendrait à s'imposer, il en a les moyens, c'est l'organisation géopolitique du monde qui se trouverait une fois encore bouleversée. déclare Laure-Alice Bouvier

Il faut aussi évoquer l'implantation de la firme bancaire canadienne Proto. Elle a bien saisi l'importance d'implanter en Afrique une technologie permettant d'automatiser et de numériser la plupart des services bancaires, dans une diversité de langues locales telles que le kinyarwanda et le twi. Ou encore l'Africa Metaverse Academy qui a pour mission de former gratuitement les Africains aux nouveaux enjeux du numérique, grâce à l'initiative de la firme américaine Epic Games.

D'un autre côté, nombre d'Africains sont conscients du risque d'être dépassés par les prétentions de puissants États ou opérateurs internationaux. Par exemple, la Sud-Africaine Rachel Adams a fondé l'an dernier l'Observatoire afri­cain de l'intelligence artificielle responsable (OAIAR) afin d'amener les pays africains à s'interroger sur ce que pourrait être une intelligence artificielle éthique produite par l'Afrique et pour l'Afrique.

Le défi que doit relever l'Afrique est de taille et son issue encore incertaine. Mais il se pourrait bien qu'au niveau international, dans les années qui viennent, les cartes soient rebattues en ce qui concerne la maîtrise de la révolution de l'IA. En effet, dans le cas où le continent africain parviendrait à s'imposer, il en a les moyens, c'est l'organisation géopolitique du monde qui se trouverait une fois encore bouleversée.

Source : Le Figaro