Plus qu'un voyage d'agrément, c'était un véritable parcours du combattant, pour faire connaissance avec la renaissance allemande après la chute du mur de Berlin et la réunification de la première puissance économique actuelle de l'Union européenne. Il y a 29 ans, le 03 octobre 1989, tombait le mur de Berlin. Cette muraille de la « honte » qui avait consacré la division de l'Allemagne par les ''Alliés'', au lendemain de la deuxième grande guerre de 1939 à 1945. Pendant des décennies, les Allemands ont vécu avec cette gangrène au coeur d'un même peuple constitué en deux nations aux destins séparés: la République fédérale d'Allemagne (RFA) et la République démocratique d'Allemagne (RDA). Chacune de ces deux nations partageant =une moitié de l'actuelle capitale cloisonnée en Berlin Est et Berlin Ouest.

A l'initiative de la Fondation Konrad Adenauer (KAS), fondateur en 1949 de la République d'Allemagne, une délégation de trois pays africains, partie du Bénin, du Togo et de la Côte d'Ivoire, a eu l'occasion, pendant une semaine - du 14 au 20 octobre 2018 – de revivre les traces de cette tragédie dans l'histoire de l'ancienne République de Weimar transformée aujourd'hui en la puissante République fédérale d'Allemagne. Une nation réunifiée, avec un peuple rassemblé, qui a su tourner les pages tristes de son passé pour reconstruire une communauté de destin, sans rancune ni rancœur, encore moins de distinction ou de discrimination.

La délégation ivoirienne posant avec Dr Fischer-Bolin, au sège de la KAS à Berlin

Partie d'Abidjan, la délégation ivoirienne composée de trois représentants dont la députée, Yasmina Ouégnin et le politologue, Dr Moquet César Flan, a pu appréhender en profondeur les réalités de la renaissance allemande, aux côtés de la présidente de la Haute Cour de justice du Bénin, Dr Marie Josée De Dravo, du député à l'Assemblée nationale togolaise et président des Forces démocratiques pour la République (parti d'opposition), Me Paul Dodji Apevon,et de deux jeunes entrepreneurs béninois et togolais.

De passé au présent, Berlin, les stigmates de la fierté

Le programme d'étude et de dialogue intitulé ''Le développement et la démocratie, un regard actuel sur les pays côtiers d'Afrique de l'Ouest'' aura été l'occasion pour les dirigeants locaux de la KAS, Florian Karner et Peter Koch, de faire une projection du vécu des États de la zone subsaharienne du continent à l'aulne du parcours de l'Allemagne. Aussi, ce programme débute-t-il au pied des vestiges du mur de Berlin, en plein cœur de la capitale allemande. Une place prise d'assaut par des touristes internes et externes, venant de toutes les contrées, pour toucher du doigt ce qui aura été une triste réalité dans le passé de l'actuelle puissance économique européenne.

Berlin n'a pas voulu effacer toutes les stigmates de ce sombre passée. Un peuple sans histoire étant considéré comme un peuple sans avenir, les Allemands ont su garder les vestiges de ce passé pour mieux inspirer le présent et conforter l'avenir.

Ce présent, ils le symbolisent dans la force des institutions qui, au delà des hommes qui les animent, constituent le socle de la nation allemande unifiée. L'imposant Parlement fédéral (Bundestag) du haut duquel il est marqué en gras: " Le peuple allemand'' en est la parfaite illustration. La maison du peuple détient le véritable pouvoir dans un régime parlementaire bien huilé d'où l'Exécutif tire toutes ses prérogatives. Les sièges des deux pouvoirs bâtis l'un face à l'autre, en dit long dans la symbolique allemande. «C'est une façon de montrer que le Parlement regarde l'Exécutif. Donc, il le contrôle », lâche avec fierté le guide de la délégation. L'homme, un cinquantenaire, faire remarquer les bureaux tout en verre tansparents des députés dont tous les passants peuvent s'apercevoir de ce qui se passe à l'intérieur. Un synonyme de la transparence totale de l'Assemblée nationale.

Ces rencontres édifiantes

La force de l'Allemagne ainsi appréhendée, la rencontre avec les hommes qui l'incarnent sera l'étape décisive du programme de la KAS. A commencer par les principaux interlocuteurs des pays africains. A savoir les hommes liges du ministère des Affaires étrangères, mais aussi du ministère de la Coopération ayant à charge les dossiers du continent. On en apprendra sur les idées que se font les dirigeants de la première puissance européenne et les réticences de ses investisseurs à s'engager en Afrique. Des rencontres fort édifiantes, qui permettent de noter que tout se sait sur ce qui se passe dans chaque pays africain, quasiment dans les moindres détails. Notamment les instabilités chroniques, la gangrène de la corruption, la faiblesse des institutions (surtout judiciaire), et la complexité des codes d'investissement qui retiennent les hommes d'affaires d'ailleurs de risquer leurs fortunes. Et ce, malgré les potentialités bien reconnues, partout du reste, du continent noir.

Malgré tout, les perspectives ne sont pas mauvaises. Surtout quand M. Andreas Wenzel de l'Association des Chambres allemande de l'Industrie et du Commerce, chef du département sur l'Afrique et la politique internationale de matière première, annonce le projet d'installation d'une représentation dans la zone ouest-africaine en 2019, précisément en Côte d'Ivoire. Le député Andreas Lämmel, président du groupe de travail sur l'Afrique du groupe parlementaire CDU / CSU (Union chrétienne démocratique et Union chrétienne sociale), donnera encore beaucoup d'espoir, à ce sujet, à l'honorable Yasmina Ouégnin et aux autres membres de la délégation. « Nous, en tant que députés, nous sommes toujours prêts à organiser des activités dans la région, mais avec l’appui des pays africains. Nous sommes prêts à faire la promotion de l’Afrique. Parce que les Pme n’ont pas de bonnes idées sur la situation sur place, et on pourrait organiser des voyages avec les entrepreneurs pour qu’ils s’imprègnent de la situation ».Belle initiative saluée par la députée de Cocody qui, après avoir cadeauté l’hôte du jour au nom de toute la délégation comme elle l’a fait à chaque étape du programme, a promis œuvrer avec le bureau de l’Assemblée nationale en Côte d’Ivoire pour que la diplomatie parlementaire en Côte d’Ivoire s’étende à l’Allemagne.

Des séances intenses ont permi à la député Yasmina Ouegnin et aux autres membres des délégations d'informer davantage les Allemands sur l'Afrique

D’ores et déjà, l’honorable Lämmel annonce de bonnes nouvelles en perspectives dans les jours à venir, au cours du Sommet sur l’Afrique à Berlin. Le mardi 30 octobre prochain, en effet, la Chancelière Angela Merkel va adresser à ce sommet, un message à l’endroit des Africains. Selon le président du groupe des députés CDU / CSU, Mme Merkel « va proclamer des choses importantes en faveur de l’Afrique ». Car, ajoute-t-il, « tout le monde est unanime que c’est le moment où il faut soutenir l’Afrique sinon l’avenir sera difficile ». Dans la balance, des questions comme la gestion des flux migratoires vers l’Europe sont au menu des échanges entre les Allemands et les trois délégations africaines. Les solutions envisagées tournent toutes autour d’une politique de sédentarisation de la jeunesse africaine par le soutien à des initiatives visant à redonner de l’espoir à cette catégorie majoritaire sur le continent. « Ce qui est notre préoccupation, c’est de développer l’économie avec des experts biens qualifiés. En Allemagne, nous sommes prêts à donner des micro-crédits en Afrique pour aider des hommes et des femmes à créer des affaires », rassure le député allemand qui, toutefois, se réserve sur les aptitudes des gens à créer et à gérer sur le continent.

Dans l’Allemagne profonde

Le programme des visiteurs ne s’arrêtera pas qu’à la capitale. Mais, il les conduira dans l’Allemagne profonde, précisément à Erfurt, la capitale du Land de Thuringe, dans l’Est de la République fédérale. Dans ce land, plusieurs occasions seront offertes à la délégation d’approfondir sa connaissance du modèle allemand. A l’image des différentes rencontres avec les élus locaux et des députés du Parlement local qui ont partagé leurs expériences avec leurs homologues élus de l’Afrique et le reste des visiteurs.

L’honorable Ouégnin et le député Apevon auront l’occasion de s’immerger dans le fonctionnement du Parlement en Allemagne avec Mme Marion Walsmann, député et membre du Conseil municipal et le jeune parlementaire, Stefan Gruhner. En compagnie du Dr Flan, la députée de Cocody animera un important panel sur le thème global du programme. A savoir ‘’Le développement et la démocratie, un regard actuel sur les pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest’’. L’élue de la nation a saisi cette tribune pour poser la problématique de la démocratie en Afrique dont elle se réserve sur le modèle en peine calqué sur l’Europe. L’honorable Ouégnin prendra pour preuve les dérives qui surviennent aux élections comme ces émeutes dans des régions en Côte d’Ivoire soldés par 5 morts officiellement annoncés au moment même où elle s’adressait au public de Erfurt.

Les visiteurs de la KAS en compagnie de la députée du Land de Thuringe, Marion Walsmann, Conseillère municipale à Erfurt

Malgré tout, la parlementaire reste optimiste. Elle demeure convaincue que ces tâtonnements sont les pas irréversibles d’une démocratie qui aura un visage plus humain, plus africain, une démocratie qui correspondrait aux réalités du continent. « Elle ne ressemblera pas peut-être à l’Allemagne ou aux Etats-Unis. Mais, elle sera celle que, par nos engagements citoyens, nous aurons érigé dans nos pays ».

Globalement, les visiteurs de la Konrad Adenauer Stiftung ont eu le temps de saisir le reflet de l’Afrique subsaharienne dans le regard des Allemands, voire des Européens quant à leur volonté de prendre des options pour le continent.

Félix D.BONY

Envoyé Spécial