Pendant son séjour, il s'est adressé aux populations dans un langage sincère et franc. Leçons d’une visite qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive. La première, c'est que l'Ouest semble avoir tourné la page de l'ancien président. Considérée, à tort ou à raison, comme le bastion de l'ancien chef d’État, Laurent Gbagbo, la région s'est mobilisée pour recevoir celui qu'elle considérait comme l'ennemi de la Côte d'Ivoire. « L'Ouest vous demande pardon », a d'ailleurs indiqué le député de la sous-préfecture de Bangolo, Oulata Gaoudi, au nom des populations, le lundi 20 avril 2012. Il a même promis de faire les sacrifices d'usage en la matière. C'est à Toulepleu que les chefs coutumiers vont honorer le président Ouattara et son épouse. Le chef de terre, Moe Zion, après la libation, a rebaptisé le couple présidentiel. Qualifiant Ouattara de « Kladion », c'est-à-dire en français « le brave, l'intrépide, l'homme le plus intelligent », et son épouse de « Poyegnron », qui signifie également en français « femme du bonheur ». Les chefs traditionnels voudraient marquer leur soutien au président Ouattara qu'ils ne s'y prendraient pas autrement. En le qualifiant de brave, d'homme le plus intelligent, sans le dire ouvertement, ils jettent des pierres dans le jardin de l’ex-président qui, à leurs yeux « a été moins intelligent et moins brave que lui ». C'est pratiquement le même message que lui ont adressé les chefs de terre de Bangolo, qui l'ont littéralement qualifié « de messie, qui est venu se recharger sur les terres de l'Ouest pour mieux accomplir sa mission ». Autant d'éloges qui démontrent que les rancœurs ont été reléguées au second plan face aux intérêts du moment, du moins, en apparence. Tous les garants de la tradition ont souhaité au président Ouattara, paix et santé dans l'exercice de ses fonctions. La deuxième leçon, c’est sans conteste l'organisation de la sécurité et la mobilisation. Dans une région qui est réputée instable en raison de la « prolifération des milices, des mercenaires et la circulation des armes de guerre », cela relève d’un exploit que l’actuel chef de l’Etat, dont l'image a été sérieusement écornée par ses adversaires politiques, puisse y mettre les pieds.

Ouattara a pourtant foulé le sol de l'Ouest et y est resté pendant quatre jours, en compagnie d'une garde présidentielle qui veillait au grain. Toutes les unités d'élites ivoiriennes étaient présentes. En plus du Groupement de la sécurité présidentielle (GSPR), il y avait l'Unité d'intervention de la Gendarmerie nationale (UIGN), la Garde républicaine (GR) et la Police nationale. D'ailleurs, les commandants de toutes ces forces faisaient partie de la délégation du président de la République. Une présence militaire qui a pu contenir, tant bien que mal, la foule impressionnante qui se mobilisait à chaque étape de la visite de Ouattara.

Mobilisation exceptionnelle

Pour une région qui a subi tant de souffrance relative aux nombreux morts occasionnés par la crise ivoirienne en général et la crise post-électorale en particulier, voir autant de monde se mobiliser relevait presque d'un rêve. A Toulepleu, Bloléquin, Guiglo, les populations ont réservé un accueil chaleureux à leur hôte, preuve que la page de l'inimitié est définitivement tournée.

C'est à Duékoué, carrefour de toutes les atrocités, que la mobilisation a été la plus forte. On aurait dit que cette ville n'a rien subi. Faisant fi des récriminations, ravalant leur douleur, les populations ont donné un bel exemple de cohésion sociale en se rendant massivement au meeting du président Ouattara. Qui a lui, donné en retour l'exemple d'un chef rattaché à la paix, à la justice et à la réconciliation. Partout où il est passé, Ouattara a insisté sur les notions de paix, de justice et de réconciliation, abandonnant même parfois son discours rédigé pour parler avec son cœur aux populations. Enfin, la dernière leçon qu'on pourrait retenir, c'est la solidité physique dont a fait preuve le chef de l’État. Avec ses 70 ans, le président de la République a démontré qu'il était encore résistant et bon pour le service, comme il se plait à le rappeler lui-même. Pour son âge, parcourir avec un rythme soutenu, au moins deux villes par jour, sans compter les rencontres privées avec les chefs traditionnels, n'était pas évident. Sitôt arrivé à Man le samedi en fin de matinée, il a reçu les chefs traditionnels de la ville avant d'animer un grand meeting au stade Léon Robert. Le dimanche, il a parcouru les villes de Toulepleu, Bloléquin et Guiglo. Le lundi, il a rencontré les populations de Bangolo et de Duékoué.

Hormis les meetings sur les places publiques, il a inauguré plusieurs projets réalisés soit par le gouvernement, soit par les Nations unies au profit des populations. A part l'étape de Toulepleu où il s'est déplacé en hélicoptère de Man, il a visité toutes les villes sus-citées par voie terrestre. Malgré cet agenda chargé et la pression du climat (il faisait extrêmement chaud), le président a tenu bon, donnant l'impression parfois qu'il n'a fourni aucun effort. Ce qui a fait dire à des membres de sa délégation qu'il en faisait un peu trop. Qu'à cela ne tienne, le président de la République a montré, par cette visite, qu'il n'y a pas un endroit en Côte d'Ivoire qui soit infréquentable.

Y.DOUMBIA

Le rôle joué par les jeunes

S'il y a une entité qui mérite d'être félicitée pour la réussite de cette visite d’État, ce sont les jeunes. En un laps de temps, Touré Mamadou, conseiller du président de la République chargé de la Jeunesse et des Sports a mobilisé les jeunes de tous les partis politiques et de la société civile. A la Présidence où a eu lieu la première rencontre, les jeunes ont pris l'engagement d’œuvrer pour le succès de la visite de Ouattara à l'Ouest. Sur place, il a été décidé de la mise sur pied d'un comité technique chargé de la mobilisation, dont le rôle principal sera de rassurer les jeunes de l'Ouest et par delà, les populations. La présidence de ce comité a été confiée au ministre de la Promotion de la Jeunesse et du service civique, Alain Lobognon quand Touré Mamadou a été désigné par ses amis pour en occuper le poste de vice-président. Des délégations ont été formées et envoyées en mission à l'Ouest avant l'arrivée du président de la République. Ces délégations ont travaillé avec les ministres chargés de leurs zones, notamment, Anne Ouloto, ministre de la Salubrité urbaine, Dagobert Banzio, ministre du Commerce, Sanogo Mamadou, ministre de l'Assainissement, d'Adama Toungara, ministre des Mines, de l’Énergie et du Pétrole, Konaté Sidiki, ministre des PME et de la promotion de l'Artisanat, et Mabri Toikeusse, ministre du Plan et du Développement. Touré Mamadou lui-même, accompagné du vice-président de la JPDCI et du chef de cabinet de l'Inspecteur général de l’État, Zié Daouda se sont rendus à Man et Bangolo, une semaine avant la visite d’État, où ils ont échangé avec les jeunes desdites localités.

D'autres délégations ont fait Toulepleu, Guiglo et Bloléquin pour sensibiliser leurs camarades. D'autres délégations encore ont investi Duékoué pour parler aux populations. Pendant ces rencontres, il y a eu des projections de films sur la réconciliation et des meetings qui traitaient des thèmes sur la nécessité du vivre ensemble. C'est ce travail, ajouté à celui abattu par le comité d'organisation chapeauté par le Premier ministre, Ahoussou Jeannot, qui a porté ses fruits. Le président Ouattara a d'ailleurs félicité ces jeunes à l'étape de Guiglo pour leur implication à la réussite de la visite d’État. De retour de France, Touré Mamadou et les délégations envoyées à l'intérieur ont fait le bilan de leurs activités. L'innovation majeure, c'est la justification, par des documents comptables, de toutes les dépenses effectuées pendant les différentes missions ; une innovation qui prouve que les jeunes ont décidé d'adopter la posture de transparence.

Y.DOUMBIA

Duékoué renaît de ses cendres

A Duékoué, Ce qui crève les yeux, c'est la soif de vivre des populations. Ville carrefour de l'Ouest, mais également ville martyre pour avoir enregistré près de 800 morts pendant la crise post-électorale, Duékoué renaît de ses cendres comme le Phoenix. Comme une jeune fille qui tente de vendre son charme aux visiteurs, Duékoué brille de mille feux la nuit tombée. A Duékoué, la célèbre rue qui traverse la ville et qui est baptisée « rue princesse », a revêtu ses couleurs. Tous les grands maquis font le plein, une fois la nuit tombée. Jeunes de toutes les ethnies confondues, avec leurs dulcinées, écument ces lieux de beuverie qui crachent des décibels aux nouveaux visiteurs comme pour leur signifier leur immortalité. Au bar climatisé « Vinléa » que nous fréquentions toutes les nuits pendant notre séjour, l'ambiance était électrique. « Ça t'étonne qu'il y ait une telle ambiance ici après tout ce qui s'est passé. Nous avons décidé de tourner la page », nous a soufflé une serveuse, qui a souhaité gardé l'anonymat. Dans une tenue suggestive, cette belle de nuit, qui se trémousse au son endiablé d'une musique à la mode, tentait de nous expliquer la soif de vivre des habitants de Duékoué. « Ici, tous ceux que tu vois là sont d'origines différentes. Mais ils ont décidé de surmonter les crises successives pour donner une chance à la paix. Nous pardonnons sans pour autant oublier », a-t-elle ajouté. C'était la même ambiance au « Lingot d'or », un autre bar climatisé. Bien qu'il y ait encore des réfugiés internes à Duékoué, la ville tente de se refaire le moral, à l'ombre des rumeurs de déstabilisation du nouveau régime.

Y.DOUMBIA

Les raisons du succès de la visite d’Alassane Ouattara à l’ouest

Si la visite d’Etat à l’ouest particulièrement à Man du président de la République ivoirien, Alassane Ouattara a connu un grand succès, c'est grâce à l’honorable Siki Blon Blaise, député de Man sous-préfecture et par ailleurs président du conseil général de ladite ville. En effet, attaché à la tradition et la coutume du peuple ‘’Dan’’, Blon Blaise a initié, le jeudi 19 avril 2012, soit deux jours avant la visite d’État, à la place de la paix, une cérémonie de purification du sol de Man. Et ce, afin que cette 1ère visite officielle de Ouattara dans le Tonkpi se passe dans la quiétude. Cérémonie de purification du « sol manois » dont les acteurs principaux étaient les chefs traditionnels du département de Man, garants de la tradition, les Imams de la ville et les pasteurs. Elle avait pour objectif, selon l’initiateur Siki Blon Blaise, de verser l’eau pour les ancêtres et de prier pour que cette visite d’État du Dr Alassane Ouattara en qualité de Président de la république dans le Tonkpi soit celle de la volonté du tout puissant. Le président du conseil général de Man a donc réuni ce jour toutes les communautés ivoiriennes et étrangères et leur confié la visite de Ouattara sur la terre de ses ancêtres afin que chacun se l'approprie. Tout en invitant les populations de sa circonscription électorale à réserver un accueil chaleureux au président de tous les ivoiriens, le député de la sous-préfecture de Man-Sangouiné a profité des préparatifs du chef de l’Etat pour exhorter chacun au pardon et à la réconciliation. Il a, à cet effet, procédé au partage de rameaux qui, selon la bible, est la rentrée du Christ à Jérusalem, mais considéré également au pays ‘’Dan’’ comme la fin de conflit entre les différentes communautés qui se regardaient en chiens de faïence. Blon Blaise a réussi son pari puisqu'après cette cérémonie de purification et de prière, chacun est reparti sans rancœur et la mobilisation à Man a été véritable succès.

Achille Kpan (Région du Tonkpi)